18 mois & quelques années

Texte rédigé au terme de deux années d'étude à l'erg, Bruxelles

À ce stade, ce n’est plus vraiment du design. Encore moins de l’art (cela ne l’a d’ailleurs jamais été). Non… Ce texte n’est en rien un manifeste pour un graphisme futur (un graphisme du futur ?). Toutes les digressions consignées ici sont en liens très étroits avec le travail que je poursuis se depuis 6 années. Elles actent et témoignent d’une production passée, où se dessine une trajectoire aux digressions multiples. Cohérence rétrospective dont l’issue est perpétuellement incertaine. Il faut sans doute annoncer que le point de départ de ma pratique se situe aux confluences du design et du graphisme. Ce texte, si tenté que quelques pertinences se fondent lors de sa lecture, aura à cœur de définir le panorama de ces « tous azimuts » qui jalonnent ma pratique.

Par tous les chemins

Au cours de ces années, l’horizon qui est mien ne s’est guère entiché d’un univers de réflexion privilégié. Je prends plaisir à décloisonner mes sources d’inspirations et témoigne d’une impossibilité notoire à me contenter des supports et enjeux contenus au sein de ce domaine étriqué qu’est le design graphique. Je réfute toute engeance à me concentrer, parfaire et persister dans une discipline purement graphique. Cela n’est pas neuf. Il y a quelques années de cela, j’établissais par écrits les premières brides de réflexion dans ce sens. La stérilité et l’entre-soi d’un design pour Designer me débectent. Tautologie, pourtant je ne compte plus autour de moi les maestros de la couleur ou de la forme, qui assourdit par les grandeurs de leurs symphonies n’ont réaliser qu’ils composaient un hymne au service de l’hypocrisie et des destructions créatrices. Je tente donc en permanence d’ouvrir ma pratique à des référents extérieurs, et m’approprier des approches dérivées de la philosophie, des sciences, de la géographie et du tango. Éclectisme des moyens d’action et des champs de pensée. Cette diversité prend particulièrement corps dans mes travaux d’édition où je constate une évolution drastique. À mille lieues des fausses latitudes que mon précédent cursus en art appliqué me permettait, je jouis d’une liberté à m’investir au corps à corps avec des thématiques constructives et engagées. Il m’importe de m’interroger sur les conséquences de cette gourmandise. Cette envie d’œuvrer dans le même temps sur de multiples fronts ne rend mon travail potentiellement médiocre partout et pertinent nulle part. Je constate régulièrement que la démesure de mes ambitions alourdit le processus de travail et tends à proposer un résultat dont la maîtrise est moins évidente. Le risque est grand, mais le plaisir est certain. À quel point cela relève-t-il de la dispersion ? À quel point cela est-il témoignage d’un désir d’être pleinement au monde ? D’une certaine façon, j’aimerai qualifier le travail graphique que j’abats chaque jour comme un indéfinissable prétexte à nourrir mon existence. Quoi qu’il en soit, l’un des paris des prochaines années sera de conserver cet élan au sein même d’un parcours professionnel. Cela s’annonce comme l’un des défis les plus conséquents.

Way of working

Si les thématiques abordées se sont étoffées, densifiées, ma manière d’envisager l’objet reste, il me semble, inchangée. Il s’agit de penser mon rôle de mise en forme comme un murmure, un souffle ondoyant de légèreté déterminé à convoquer le minimum de moyen nécessaire. La politesse de ne pas forcer les portes de la perception d’autrui. c’est ainsi que je tente d’apprendre d’une vision graphique disons nordique. Effort drastique afin de tendre vers un délicat travail de typographie . À quel moment telle démarche relèvera-t-elle du brio ? À quel moment s’apparentera-t-elle à une austérité normative ? En guise de contre-mesure, j’aime à cultiver des trajectoires digressives autour de cette simplicité volontaire. Paradoxalement, je sais qu’un plaisir des plus absolu me saisit quand je tente de réactualiser une certaine philosophie libertaire de l’édition. Punk, brutal et inconvenante, il s’agit de « Frapper vite, frapper fort » comme dirait les autres. À ce stade, seul le contenu reste intouchable et les règles d’harmonie et de typographie deviennent résolument dispensables… Faisant fi des détails et des coquetteries, je m’applique, avec zèle, à ce que le design graphique soit relégué au rang de simples outils. Dans cette optique, la qualité de l’objet est d’une apparence rudimentaire, abrasif, ce qui ne le dispense en rien d’être un travail réfléchi (fig C). Il devient alors une trace, une volonté de passer à un autre combat tout en diffusant les fruits du précédent, afin que d’autre par la suite, se saisissent de ses avancés et les poursuive. Une histoire de l’Humanité en sommes. Cette démarche peut être mise en regard du principe de T.A.Z (Zone d’Autonomie temporaire) 5 auquel cas elle évoluerait vers une proposition subversive. éventuellement la forme Avons-nous évoqué ou simplement constaté la forme ? Je pourrais aborder l’amusante et dogmatique préférence pour un vocabulaire graphique monochrome, binaire et dominer par d’anthracite reflets. Je remarque que l’expérience et les enseignements acquis de ces longues méditations pratiques m’enjoignent aujourd’hui à conquérir les mystérieux arpents chromatiques qui furent jusqu’ici bordés par l’appréhension. En découle un travail graphique sur le motif (fig A), l’image dupliquée créatrice d’un champ perceptif galvaudé, mais saisissant. Une influence néerlandaise là sans doute aussi 6. Il me sied de poursuivre ce travail d’abstraction et de répétition des formes. Cela fait sens, en particulier au regard d’un contexte où l’environnement urbain est accaparé par le signe sémantique de toute sorte. Cet apparent mutisme est salvateur. L’horizon de nos villes étant tout entier métamorphosé en un immense signifiant mercantile… Aussi, et il me faudra un jours approfondir ce points, ce procédé de forme répété tel que nous le connaissons aujourd’hui semble être le fruit d’une longue histoire de partage, d’appropriation entre les cultures, entre les époques, entre l’orient et l’occident.

Vers le Sud

Mon travail est-il saisi d’une démarche multiple ? Quand je milite pour une simplicité des moyens graphiques convoqués, je m’intéresse dans un chapitre concurrent, à l’élaboration d’un univers visuel vivant et vivifiant dont les prouesses, l’audace, le panache tendraient vers les asymptotes. J’ai dans un premier temps essayé de m’inspirer des formes et couleurs des arts traditionnels méditerranéens (fig D). Cette démarche n’était pas dénuée de raison, il s’agissait puiser dans un patrimoine à la croiser de trois continents, fruit d’une humanité pluriel, à la croisée des temps et des cultures. Hélas, cette pérégrination s’est longtemps démontrée illustrative, faisant la maladroite éloges d’un Orient étrangé à toute modernité 1 or, plus que de ressasser et décontextualiser des formes, il m’importe encore de poursuivre une réflexion autour d’un graphisme d’une lumineuse gaité. Abandonner l’apparat de l’étendard pour se concentrer sur la pulsation. Il ne s’agit donc pas de citer les vestiges d’un art traditionnel, mais de travailler à la naissance de nouvelles formes dionysiaques, dont la suavité s’inscrirait au firmament du moment présent. Fugacité ininterrompue tissant l’éternité. Les caractères libérés de Massin, la plasticité des affiches de l’école polonaise, ou le mysticisme du graphisme d’Abedini 2 peuvent être un point de départ.

Humilité

Je dois avouer que je me suis longtemps leurré à confondre l’éclectisme de mes travaux comme orignal, propre et singulier. Orgueuilleux de la diversité des sujets aborder au cours de mes travaux comme de la variété des techniques et champs d’action convoqué. Originalité, il n’en est évidemment rien. Force est pour moi de constater la prodigieuse influence du monde digital, comme source infinie de culture et de savoir. Comme beaucoup de mes contemporains, il m’est possible, en plus d’enseignement graphique que je suis, de constituer un bagage technique autour de discipline apparemment étrangère : cartographie, modélisation, menuiserie, design textile, programmation, etc. Tous ces outils me permettant de matérialiser autrement des questionnements déjà présents tout en m’épanouissant à de nouveaux enjeux. Et puis il y a des choses qui ne s’acquièrent pas. Une tempérance et un juste-mesure qui ne sauraient être un savoir technique. Cela s’acquerra peut-être avec les années.

À ce stade ce n’est plus vraiment du design.

Je gage qu’une énumération de tous les domaines qui ont un jour suscité où suscite mon internet ne relève en rien d’un projet de travail. Cela est plutôt révélateur d’un projet d’existence où la réalisation d’un épanouissement sensuel et intellectuel serait le désir premier. Tant pour me fuir que pour me retrouver, il s’agit donc de décentrer ma pratique pour mieux concentrer mon plaisir d’œuvrer. Il me fallut beaucoup de temps pour réaliser, ce qui pour beaucoup peut sembler une évidence, que je n’appartenais à aucune discipline, aucune guilde, aucun ordre, aucun dogme. Je découvris alors qu’il m’était possible de tracer ma propre pratique, au gré de mes intérêts, déterminismes et influences. Déterminisme et influence… Il nous faudrait quelques feuillets supplémentaires pour questionner les faits les causes et les réactions chimiques qui tendent à pousser l’Homme à s’affirmer de prime abord dans le vrai, à affirmer qu’il a raison et que toute réfutation ne saurait qu’être défiance. Dans l’absolue, cela est profondément absurde, pourtant je sais que telle démesure sous-tend encore aujourd’hui une large partie de mes actions. Revenons à cette notion d’éclectisme qui animerait ma pratique, j’aime à croire que cette curiosité de chaque instant, cette affirmation de tous les possibles nourrit d’une part mon travail, mais aussi ma personne, non plus en tant que graphiste, mais en tant qu’individu. Je ne saurais dire si cela est uniquement conséquence d’un cursus éducatif, toutefois l’amplitude et l’ouverture d’esprit avec lequelles il m’est donné d’apprécier ce monde m’apparaissent un tantinet plus large. Comment rester aux aguets ? Comment rester attentif, curieux et en constant apprentissage ? Comment ne pas confondre l’assurance avec la volonté d’imposer, de s’imposer ? J’avance cette question comme en réponse au constat passé d’une difficulté personnelle à travailler avec l’Autre. À me dessaisir de l’injonction du résultat pour mieux accueillir l’altérité comme une chance, un apport constructif et non plus castrateur. Cette question sociale a toujours cours. Elle prend d’ailleurs une légitimité conséquente quand elle résonne avec certaines de mes préoccupations constantes :

  • Envisager le design comme liens entre des différentes pratiques de prime abord étrangères.
  • Dépasser la superficialité esthétique de l’objet produit et travailler au regard des causes, des conséquences tant du processus de production que de l’objet final.

Il m’importe de relativiser l’égocentrisme et la vanité de ma raison, tout comme il m’importe d’accepter l’expérience de mes propres limites. Cela fait sans doute écho à ce que nous évoquions plus haut. S’il est relativement aisé de s’enquérir du maniement des outils, tempérance et juste mesure sont des atouts bien moins accessibles. Savoir ne pas savoir. Accepter la défaillance de sa sagesse et agir, produire, collaborer en conséquence. Ainsi, conscient des limites de mon entendement, j’aimerai exposer le parcours d’apprentissage que je viens de réaliser non comme une opportunité à gloutonner technique et savoir-faire. Je ne saurai décrire avec plus de simplicité le motto de ma pratique, comme le désir de porter en soi un projet, une dynamique et une chaleur propre afin de construire et d’élaborer. Je crains d’œuvrer par le design comme j’aurais pu œuvrer en architecture ou en botanique. Il n’est guère question de vocation ou de facilité. Voici maintenant, déconstruis une part des fragiles mécanismes qui sous-tendent mon travail, encore faut-il lui donner une direction.

Utopie future

Il est un obstacle que je n’arrive à clarifier, à expliciter depuis quelques années déjà. Il y a deux ans, j’esquissais quelques pages établissant une première réflexion autour du travail en commun, notamment dans le champ du design graphique. Ce texte était alors fortement marqué par ma récente et épineuse expérience du milieu professionnel parisien. Ce texte de jeunesse donc, malhabile et confus, entendait poser les bases d’un projet qui aujourd’hui m’est encore précieux, celui de l’instauration d’une autonomie collective. Sans entrer dans le détail, j’affirmerais simplement que ce dessein que je m’efforce de réaliser est moins un objectif égoïste 1 où libérer des contraintes de l’altérité, il deviendrait possible de jouir et produire à sa guise (sans ces emmerdeurs qui vous disent quoi faire). Non, il s’agit plutôt d’encourager par l’affirmation et la prise en compte des singularités, des compétences et des rythmes de chacun afin de subordonner dans le processus de travail la hiérarchie à la responsabilité. Nous parlons donc d’un processus de production/réception libérer des trivialités de la violence de la loi du marché, critique des conceptions normatives et traditionnelles associées aux disciplines qu’il intègre et faisant place à l’érection du bien-être de chacun comme horizon collectif. Peut-être est-ce là un des aspects les plus utopiques qui décident des directions de mon travail. Paradoxalement je sais que de telles aspirations ne seront jamais véritablement comblées, en particulier dans le domaine qui nous intéresse celui de ma pratique de Designer graphique ex-estudiantine future professionnelle. De ce que j’ai pu constater du bas de ma courte existence et que les conditions de possibilité d’un design de qualité sont moins dépendante du génie d’un individu que de l’environnement et l’esprit dans lequel il est produit. Sans doute est-ce pour cela que j’ai cherché, agis et tâtonner, en parallèle de cette année d’étude, afin de mettre en place une structure, un pont vers une pratique professionnelle inspirée de ce principe d’autonomie (Fig E). Cet espace naissant s’est concrétisé par de régulières collaborations autour de modeste commande de design graphique et d’identité visuelle avec un partenaire graphiste et illustrateur. Je crains qu’un long periples semé d’embuches nous attende.

À boulet rouge…

Depuis ces 18 derniers mois au sein de l’erg, j’ai souhaité, à mon niveau, œuvrer à la déconstruction des idées reçues et des apories de la pensée. Avec véhémence, j’ai tenté dans trois ateliers de dénoncer bien vulgairement, de relativiser bien timidement, ces hypocrisies qui depuis des siècles retienne le commun de nos vies vers une médiocrité tranquille. Aussi, j’ai fréquemment délaissé le champ technique et esthétique purement graphique au profit d’une recherche ouverte sur d’autres disciplines étrangère, foisonnante. Aporie souvent motivée par la phobie de tomber dans un enrobage graphique divertissant et superficiel. Sujet, ou plutôt objet de cet intransigeant désir d’iconoclasme, j’ai eu constamment l’impression de ramer à contre-courant, sentiment qui alternait avec celui de m’engluer dans un total fourvoiement. Fut-ce cela un privilège pour moi de pouvoir développer ce genre d’investigation aux creux des mansuétudes d’une école ? Sans doute, mais force est de constater que pessimisme et dénonciation sont à la portée de tous. L’aridité du propos ennuie plus qu’il n’encourage. De telles attitudes n’ont jamais construit grand-chose si ce n’est une paradoxale austérité et du ressentiment. Il m’importe désormais de bâtir des alternatives à cette véhémence. Comme une injonction à arrêter de pisser mon inconsistance dans les sombres violoncelles du pessimisme, à tisser au-delà du scandaleux marasme de nos déterminismes consentis, l’incandescence d’une vie investie. Je crois que ce projet est bien plus affriolant et susceptible de disposer d’un engouement auprès d’un auditoire.

Déconstruire plutôt que détruire

J’ai constaté ce que je nommerai une certaine dérive productiviste dans ma manière d’aborder au quotidien mon travail. Flatter la mémoire du stakhanovisme quitte à faire fit du temps de la réflexion. Un comble, qui plus est pour des travaux réalisés au sein d’une école. Presser par les délais, saisit par une cause, soi disant plus importante, je ne compte plus les heures de cours, les rendez-vous avortés ou simplement les longues nuits d’astreintes sacrifié afin d’avancer un peu plus sur un travail quelconque. Cette tendance me pose plusieurs problèmes. D’une part, je m’interroge sur la distance qui me lie avec notre époque et notre société, celles-là mêmes qui entretiennent l’illusion qu’une vie réussit sont une vie bien remplie, où chaque minute est mise à profit pour produire ou consommer. De plus, il est évident que chaque moment réservé à cliqueter à ma table de travail est un moment de moins passer à échanger et apprendre d’autrui. D’une façon plus large, nous pourrions envisager ce constat comme la préférence de méthode bien rodée (cliqueter en rythme et en cadence par exemple) face à l’incertitude, l’expérimentation et la sérendipité.

Iconoclasme et écriture

Que dire encore quand censé produire des images et visuel, j’adopte une posture résolument iconoclaste. Une des parades que j’ai adoptées jusqu’ici est le texte. Je crains que sans contexte, les images restent muettes, c’est sans doute pour cela qu’il m’importe d’écrire, d’écrire endort pour et autour de chaque image produite. Un texte est plus dur, plus exigent que mille images, un texte ment aussi un peu moins. Je ne saurais pourtant être dupe. Je me permets au travers de mots pléthore de coquetterie et d’ornementation, chose impensable dans mon processus de fabrication d’image (fig F). Les démarches qui sous-tendent ces deux façons de faire sont concurrentes. Par le texte, je souhaite établir une pérégrination riche, audacieuse et joyeuse. Un univers chatoyant afin de se jouer des austérités de ma pratique graphique d’une part, mais aussi et surtout de la langue médiatique, triviale. C’est ici une invitation par l’exemple à s’approprier ce qui nous revient. Un moyen d’expression supplémentaire dans un contexte où la luxuriance du discours ne culmine que dans l’argot, où notre vocable commun est usurpé par les intérêts particuliers. Un écueil toutefois, cet exercice me semble plus ardu qu’un travail graphique pure. Les maladresses et les apories de la langue ressortiront toujours bien plus fortement et aux yeux du plus grand nombre qu’un impair typographique. La nécessité d’établir de telle parade part du constat critique et effaré par l’importance et la confiance accordée aux visuels. Bien sûr, cette industrie culturelle, cette société du spectacle est dénoncée depuis de longues décennies déjà. Ces instruments de servitude volontaire qu’Adorno, Debord, Baudrillard, Rancière et d’autres exposaient hier ont aujourd’hui pris des atours tout autres. Il serait vain de faire de leurs traques l’unique enjeu de ma pratique 1. Ces enjeux, je tente toutefois de les déployer silencieusement, dans mon travail. Le constat est simple, si chaque individu producteur d’Images affirmer en se sens ses responsabilités éthiques, peut être que l’hébétude et la stupéfaction permanente de nos sociétés laisseraient un peu plus place à la réflexion. Bien évidemment, je prends plaisir à rencontrer ici à Bruxelles avec une part conséquente de ma génération, tout qui partage cette distance critique vis-à-vis de la toute puissance des images et des canaux médiatiques. Sans doute faudrait-il trouver un moyen d’étendre ces réflexions à un plus large public. Distinguer l’image du politique de la politique, relier l’image d’un produit marchand à ses causes et conséquences de production (du moins, ne pas les falsifier). Voilà peut-être des chantiers syssiphéen à porter des producteurs d’image. Pierre Bernard proposer de définir la mission du graphisme comme « éduquer le regard ». À ces mots j’aimerai envisager une pratique du design comme secondaire et subornée à des qualités d’acteur, d’activiste et de citoyen. J’essaye d’inscrire les compétences et ma courte expérience afin d’œuvrer dans une optique constructive pour partager et étendre l’autonomie de chacun. Le projet Archipels (fig B) entend matérialiser cette promesse, en mettant à profit les possibilités du numérique dans l’exploration d’un corpus de document. Il y a bien une pléthore de moyen afin d’approfondir cette visée. Peut être il y a-t-il beaucoup à apprendre de la culture du libre, notamment quand elle permet à chacun de comprendre et s’approprier une technologie digitale normalement verrouillée. Cet exemple me semble heureux à plus d’un titre dans la mesure où le dessein ne se limite pas à l’environnement digital et questionne des aspects de notre société comme le droit d’auteur ou le travail collaboratif.

Bref ce texte n’est pas exhaustif, mais il ouvrira le débat.